Contes d’Abyssinie à la manière de Schwob et sous la forme sibylline d’un fidélaire abyssin – (33 chapitres correspondant aux 33 symboles majeurs de l’alphasyllabaire g’eez).
Un hommage à Jean-Michel Cornu de Lenclos (Saigon, Indochine, 13 juin 1956 – Phnom Pen, Cambodge, 1 août 2014).
Le Syllabaire Abyssin
Vie Imaginaire de Cornu de Lenclos
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ሀ፣ Lucy, qui ouvre le ban
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ለ፣ Cosmas, cartographe symboliste Grecque
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ሐ፣ Elsepath, dont l’omniscience ne lui permit pas de voir sa propre fin
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መ፣ Ewastewos, orthodoxe et hérétique
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ሠ፣ Menfus Kiddus, Saint du synaxaire abyssin né en Anjou
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ረ፣ Tshafi Calamawerk, faiseur de monde
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ሰ፣ Alessandro Zorzi, cartographe réaliste Vénitien
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ሸ፣ Arab Faqui, dithyrambe de la Conquête de l’Abyssinie
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ቀ፣ D’Urreta Luis, historien imaginaire
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በ፣ Bermudez, barbier et patriarche de toutes les Ethiopies
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ተ፣ Oum della Wembara, passionaria du jihad
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ቸ፣ Leone (Brancaleone), piètre peintre de grande influence
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ኅ፣ Gregorios, moine éthiopien et catholique
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ነ፣ Samuel Johnson, traducteur et gardien du temple éthiopien
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ኘ፣ Zera Yacob, philosophe des lumières de l’Ethiopie
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አ፣ Berhane Mogesse, régente perpétuelle au teint rose
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ከ፣ Theodore, empereur à la fiévre moderniste et sanguinaire
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ኧ፣ Alem-Ayehou, prince gentil qui vit le monde
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ወ፣ Munziger Pasha, qui engendra des mules de renom
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ዐ፣ Rimbaud, bon commerçant, qui fit aussi des rimes
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ዘ፣ Eshetu (Capitaine Clochette), qui manqua faire l’histoire
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ጀ፣ Itgue Taitou, impératrice haineuse
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የ፣፣ Igorivitch (Theodore), moine millénariste
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ደ፣፣ Evon Boghassian, trompette impériale
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ጀ፣ Iyassou, empereur tragique
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ገ፣ Victor Lazlo (dit Baron Byron Khun de Prorock), ni archéologue ni baron
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ጠ፣ Emanuel, petit esclave et débusqueur de voleurs (Leba Shai)
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ጨ፣ H.P, illustrateur qui su laissa beaucoup de blancs
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ጰ፣ Sylvia Pankhurst, suffragette et royaliste par succession dynastique
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ጸ፣ Tintin, grand reporter
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ፀ፣ Leonard Cohen, juif errant
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ፈ፣ Mengistu, bâtard de bâtard
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ፐ፣ Elebat, qui ferme le ban
Epilogue – Mont Kaka, une expédition pataphysique
Extrait
Vie Imaginaire de Cornu de Lenclos
“Cornu – c’est ainsi que j’ai appris à l’appeler maintenant – aimait, me dit-il, à imaginer des fidels (les symboles du syllabaire abyssines), glissant lentement sur le paysage éthiopien – comme les ombres des nuages que l’on peut lire en négatif tout au fond du canyon du Nile Bleu. Il me disait encore, ‘tu comprends, c’est l’ombre que porte la langue qui fait résonner un territoire et la chair des hommes qui l’habitent – qui fait qu’ils sont uniques.’ Il s’essayait parfois à en lire de l’amharique – lu par lui, les mots n’étaient reconnaissable que de ci et là, et projetaient des ombres comme autant d’insectes bariolés, de fleurs baroques – disons bis-cornus. Aujourd’hui, se sont d’autres types d’idéogrammes qui se glissent sur le paysage éthiopien. Cornu m’avais dit à plusieurs reprises son désire de gravir le Mont Kaka. ‘On y fera de la pataphysique,’ me disait-il. Ah – il faut bien être Français pour prendre de telles choses avec sérieux – et pour savoir les prendre à la légère.”
Vie de Menfus Kiddus, Saint du Synaxaire Abyssin né en Anjou
“C’est sur la place de l’église, par un soir de mai où soufflait un vent chaud et odorant plein de bonnes choses, de fleurs et d’été approchant, qui lui sembla après coup et durant de longues années, comme étant un semblant de vent paraclet, que Jeannot entendit parler pour la première fois de la croisade des enfants saints qui étaient les enfants qui seraient sauvés et qui sauveraient par leur sacrifice les pécheurs de ce bas monde et les sortiraient par leur geste de la fange spirituel dans laquelle ce monde vivait. Le prêcheur avait des joues roses et des yeux brillants, il scandait des paroles pareilles à celles de la Bible du curé du bourg, mais c’était mieux dit et avec conviction. Regroupés autour de lui se pressaient les enfants en voie d’être sauvés. Bien qu’habillés d’haillons comme tout comme Jeannot, ils pressaient leurs petites mains bien ensembles, regroupés aux pieds du prêcheur qui était monté sur un baril de vin pour faire porter son message sur la petite place sale du village où se pressaient les pourceaux, les manants, leurs enfants mal nourris et les vieillards édentés.”